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Le Figaro
01-08-2025
- Entertainment
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Un Français nommé Gabin, l'homme qui ne voulait pas devenir acteur
Il s'était juré de ne pas faire de cinéma, le septième art, pas rancunier, en a fait une de ses figures emblématiques. Portrait sur le Figaro TV à 16h45. Jean Alexis Gabin Moncorgé, enfant, rêvait de conduire des locomotives. Adulte, il en est devenu une. En incarnant à l'écran la France des villes et des champs de bataille, mais aussi celle des fermes et des usines, des cafés et des épiceries, des ports et des faubourgs… Il est devenu celui que Jacques Prévert considérait comme l'acteur le plus populaire, le plus emblématique de son siècle. Le réalisateur Jean Renoir ajoutait, à son propos, qu'il était capable d'obtenir les plus grands effets avec les plus petits moyens, tandis que l'acteur Michel Bouquet assurait qu'il avait inventé le jeu moderne. Et pourtant, à l'origine, Jean Gabin s'était juré de ne jamais exercer ce métier. Il a même déclaré que son père l'avait entraîné dans cette voie « à grands coups de pied dans le derrière ». Dans Un Français nommé Gabin , documentaire principalement composé d'archives, il évoque le temps du music-hall, aux Folies-Bergère, puis au Moulin-Rouge, en duo avec Mistinguett. S'il débute à l'écran en 1930 dans Chacun sa chance, c'est pour « gagner sa croûte ». Jugeant sa gueule « impossible » et ne supportant pas un nez qui « lui mange le visage », il considère qu'il s'agit d'une expérience sans suite. Il accepte néanmoins de continuer, pour s'offrir la petite ferme de ses rêves, où il coulera des jours tranquilles. À lire aussi Jean Gabin, l'éternel retour d'une légende du cinéma Publicité En quatre ans, il tourne dix-huit longs-métrages où il donne la réplique à Joséphine Baker, Frehel et quelques autres. Ils sont aujourd'hui oubliés. Et puis, Julien Duvivier lui propose le rôle d'un ouvrier dans La Belle Équipe. Le succès est immense et il va enchaîner de futurs classiques, parmi lesquels La Grande Illusion, Le Quai des brumes et La Bête humaine. La guerre met un terme à ce parcours. Gabin part aux États-Unis où il mesure très vite qu'il ne peut pas vivre ailleurs que dans l'Hexagone. À son retour, l'officier d'armes Moncorgé - qui s'est engagé à bord d'un escorteur de pétroliers - entame un autre combat, essentiellement pacifique. Ses cheveux ont blanchi et certains assurent que sa carrière est terminée. À l'issue d'une traversée du désert, Touchez pas au grisbi va lui permettre d'entrer à nouveau dans le cœur des Français. Il n'en sortira plus jamais. Lino Ventura, dont il a été le premier à remarquer la présence à l'écran, lui doit beaucoup. Alain Delon et Jean-Paul Belmondo considéraient qu'ils avaient passé à ses côtés, sur les plateaux de cinéma, les moments les plus intimidants et les plus émouvants de leur carrière. Ses amours de légende, avec Michèle Morgan, Marlene Dietrich, mais aussi Ginger Rogers, ainsi que son mariage avec Dominique, la mère de ses enfants, sont racontés avec une pudeur qui était sa marque de fabrique. Gabin a investi les cachets de chacun des films tournés dans les années 1950 et 1960 dans une terre, en Normandie, qu'il souhaitait laisser en héritage à sa famille. Elle lui a coûté très cher dans tous les sens du terme. Traité de « paysan du dimanche », réveillé en pleine nuit par des tracteurs cernant sa propriété, il est devenu un symbole d'une forme de lutte des classes.


Le Figaro
27-07-2025
- Entertainment
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« Est-ce que j'ai une gueule à faire l'amour avec des souvenirs ? » Les inoubliables dialogues de Jacques Prévert
Répliques inoubliables, réparties légendaires, expressions mémorables : tout l'été, nous rendons hommage aux dialoguistes qui ont marqué l'histoire du cinéma français. Un véritable homme de Paroles ! Jacques Prévert, immense poète, demeure également dans la mémoire collective comme un dialoguiste hors pair. « T'as de beaux yeux, tu sais », inoubliable affirmation lancée par Jean Gabin à Michèle Morgan dans Le Quai des brumes, c'est lui ; « Moi, j'ai dit bizarre ? Comme c'est bizarre », réplique culte de Louis Jouvet à Michel Simon dans Drôle de drame, c'est encore lui ; « Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment, comme nous, d'un aussi grand amour », illustre citation d'Arletty dans Les Enfants du paradis, c'est toujours lui. - On vous croit morte, on me prend pour un assassin ! – Si nous avouons la vérité, on nous prendra pour des imbéciles, c'est encore plus grave ! « Drôle de drame » , 1937 Autant dire que Marcel Carné, qui a réalisé ces trois chefs-d'œuvre, lui devait beaucoup. Tout comme Jean Renoir, qui a sollicité ses talents pour Le Crime de M. Lange, ou Jean Grémillon, qui a bénéficié de son précieux concours pour Remorques et Lumière d'été. Au point d'être relégués eux-mêmes, parfois, au second plan… « Combien de fois n'avons-nous pas entendu : 'c'est un film de Jacques Prévert' ? » indiquait Carole Aurouet, auteur de Prévert et le cinéma (Nouvelles Éditions Place). Publicité Zoom arrière. À la fin des années 1920, l'homme s'essaie d'abord aux métiers de scénariste et d'adaptateur. Au 54 de la rue du Château (Paris 14e), il retrouve ses amis surréalistes Marcel Duhamel, Yves Tanguy ou Raymond Queneau. Les projets se multiplient. Son amour immodéré des mots, son sens aigu de l'observation et son registre entre légèreté et sérieux font merveille. Son appartenance au groupe Octobre – une troupe de théâtre d'agit-prop fondée en 1932 – contribue aussi à son apprentissage. Il y apprend à écrire vite et bien. Viennent les débuts du cinéma parlant. Il se lance dans l'aventure. Son frère Pierre – opérateur, futur réalisateur – l'encourage dans cette voie. À lire aussi Tout le monde ne savait pas parler «le Audiard» : hommage au légendaire dialoguiste du cinéma français Un dialoguiste méticuleux Sa méthode de travail est singulière. Sur une feuille, il note à gauche le nom des personnages et consigne à droite des bribes de dialogues. Le tout traversé de traits horizontaux, de flèches, de dessins… « Fidèle à son apparence futile, Prévert s'organisait de curieuse façon », témoignait Claude Autant-Lara. Mais il vise juste. « Le langage utilisé par ses personnages est dénué de préciosité, selon Carole Aurouet. Cette sobriété dans la forme renforce la portée des dialogues, en leur donnant l'apparence de la fragilité. Ce langage se fonde aussi sur des jeux de mots et sur le détournement de lieux communs pour lutter contre les idées reçues et les réflexes conditionnés. Prévert a en effet gardé de son expérience surréaliste (1924-1930) une manière personnelle de dynamiter les automatismes langagiers. Les effets sont comiques et la répétition y contribue : dans Drôle de drame, l'évêque (Louis Jouvet) assène : 'Vous lisez les mauvais livres écrits avec la mauvaise encre du mauvais esprit.' » Pourquoi tu souris ? – Je sais pas. Je croyais que la vie était tellement triste et puis je vois tout d'un coup que je me suis trompée, alors je suis contente. « Le Quai des brumes », 1938 Bien qu'il se revendique rêveur et paresseux, l'homme est réputé pour sa méticulosité. « Prévert, pour moi, c'est un peu le Malraux du café du Commerce, expliquait drôlement l'écrivain Noël Herpe sur France Culture. Il a une sorte de lyrisme, il part de choses extrêmement banales et simples qui, à force d'être répétées, sculptées, scrutées, creusées, deviennent poétiques. » De lui, on retient aussi sa collaboration avec Paul Grimault pour Le Roi et l'Oiseau. Très affaibli, il trouva la force d'en ciseler les ultimes dialogues. « Et s'il n'en reste qu'un, nous serons ces deux-là », écrivit-il à son ami, la veille de sa mort. Encore un mot superbe !